Lorsque je suis arrivé au Conservatoire de Tours j'avais 11 ans... J'ai fait ce cursus de "classes aménagées" (je ne sais pas si ça existe encore) où, dès le collège, on mêlait les cours d'enseignement général à ceux d'un Conservatoire National de Région. Durant mon année de 5ème j'y ai fait la connaissance d'Antoine Rigot, élève en hautbois. Si cette amitié fut longue à démarrer, dès l'année suivante elle devint ma (notre) première véritable amitié, de celles que vous gardez toute votre vie, où on apprend ensemble à faire connaissance avec les premières amours, les premières aventures, les premiers vrais chagrins aussi. J'ai continué la musique, et Antoine est parti en 1977 à l'École du Cirque qu'Annie Fratellini venait d'ouvrir Porte de Pantin. Comme c'est le garçon le plus doué de la terre il y devint rapidement un génie de l'acrobatie, puis, lorsqu'en 1979 il rencontre Agathe Olivier, fildefériste, ou funambule, comme vous voulez, il se met au travail avec elle. L'amour qu'ils se portent l'un à l'autre et leur talent est un arbre qui donne des fruits: Ils créent un "duo sur fil" (médaille d'argent au Festival Mondial du Cirque de Demain), s'essayent au cirque traditionnel (Roncalli). En 1985 ils participeront à la création d'un nouveau cirque: Le Cirque du Soleil. et ainsi de suite, ils créent tous les deux un univers d'art, de poésie, de rencontres (ils mêleront leur art à celui du théâtre), et de créations originale ("La Volière Dromesko"). En 1993 ils reçoivent le Grand Prix National du Cirque.
Il y a 6 ans un accident terrible et brutal va stopper net la carrière d'Antoine. La chute qu'il fait lui fait perdre tout d'abord le contact avec son corps. Petit à petit, avec un courage et une obstination incroyable, il va ré-apprendre à "prendre contact" avec son corps, remarcher; puis il reprend contact avec le monde du spectacle en écrivant, mettant en scène, et surtout en dirigeant de jeunes funambules (qui vénèrent ce qu'il a représenté pour eux).
Son nouveau spectacle, "Le Fil sous la Neige" fait évoluer sept funambules (dont évidemment Agathe) sur plusieurs fils, en duo, seuls, à plusieurs, et explorent de multilples aspects des émotions de l'existence. Accompagnés par un orchestre extrêmement créatif, ils délivrent un spectacle dans lequel on rit, on pleure, on est subjugué par le travail des funambules, l'écriture qui véhicule tant de choses uniquement par le langage du corps, enfin par l'aspect "résurrectionnel" (si tant est que ce mot existe) que cela représente pour Antoine.
Ne ratez pas ce spectacle (ils seront en tournée au moins jusqu'à mai 2007). Allez voir sur http://www.lescolporteurs.com, vous y trouverez les détails de la tournée.
Antoine, hombre, j'ai adoré ce que j'ai vu hier. Bravo. Continue, tu es un des plus beaux exemples de vie et de volonté que j'ai rencontré, et je suis fier d'être ton (vieil) ami.
Je finirai en citant Antoine lui-même, sur la présentation de ce spectacle:
"La vie est un mystère, après vingt années à parfaire mon agilité, un terrible accident m’arrête net. Brutal et irréversible. Quand un an plus tard, je commence à me remettre debout, l’équilibre réapparaît, il s’agit de réapprendre à marcher, répondre à ce besoin vital, reprendre cette quête, se remettre en route... En travaillant avec de jeunes funambules, en partageant avec eux cette passion, je vois se dessiner ce cheminement, d’abord spontané et inconscient, qui pour certain deviendra essentiel, et à travers eux je retrouve des sensations depuis longtemps oubliées… Aujourd’hui je projette avec ces funambules, fildeféristes, danseuses et danseurs de cordes, et en m’appuyant sur l’éventail de leurs sensibilités, de continuer mon exploration de l’art du fil. Avec la palette de couleurs qu’il nous offre, spectaculaire, poétique, dramatique, métaphorique, nous tenterons de construire ce cheminement, proposition de "parcours universel " qui pourra, résonner en chacun de nous.
C'est ce câble d'acier de douze millimètres qui nous avons choisi comme scène, il dessine un sentier très étroit suspendu sous la toile du chapiteau. Quand nous dansons sur lui, il vibre. Cette vibration est le passeur entre le funambule et le public.C'est notre langage, il est terriblement fragile, il flirte avec l'impossible, peut-être un passage entre rêve et réalité, c'est le jeu de l'équilibre, c'est le langage du funambule." Antoine Rigot